Les jeunes représentent l’espoir et non pas un danger », souligne M. Ban Ki-moon lors du débat du Conseil consacré à leur rôle dans la lutte contre l’extrémisme violent
La Jordanie propose d’organiser avec l’ONU une première conférence internationale sur le rôle des jeunes dans l’instauration d’une paix durable
Encourager les jeunes à reprendre à leur compte les causes de la paix, de la diversité et du respect mutuel, pour qu’ils contribuent à la lutte contre l’extrémisme violent au lieu de l’alimenter, tel était l’objet de la discussion organisée aujourd’hui au Conseil de sécurité, sous la présidence du Prince héritier de Jordanie Al Hussein Bin Abdallah II. Les 60 orateurs, dont plusieurs ministres et experts, ont appelé à protéger les jeunes contre les manipulations orchestrées par les extrémistes et, en même temps, à s’appuyer sur eux dans ce combat en faveur de la paix.
Ce débat était dirigé par le Prince héritier de Jordanie, qui est à ce jour le plus jeune Président de l’histoire du Conseil de sécurité. « Il n’a pas encore 21 ans mais il est déjà un leader du XXIe siècle », a fait remarquer le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, à propos du Prince héritier Al Hussein Bin Abdallah II dont la présence et le discours ont été salués par des applaudissements.
« Les jeunes représentent l’espoir et non pas un danger », a déclaré le Secrétaire général, en rappelant qu’il existe des groupes innombrables de jeunes qui veulent combattre l’injustice et non pas les personnes. « Je salue ces héros et, en particulier ces héroïnes », a-t-il dit, en rappelant que l’égalité entre les sexes était fondamentale pour combattre l’extrémisme violent.
M. Ban a demandé de ne pas oublier les jeunes victimes de l’extrémisme violent, en particulier les jeunes filles enlevées à Chibok, au Nigéria, les étudiants tués par Al-Chabab à Garissa, au Kenya, et ceux qui ont été massacrés par les Taliban à Peshawar, au Pakistan.
Il a en outre demandé de laisser une place aux jeunes à la table des négociations. L’ONU a d’ailleurs adopté des Principes directeurs sur la participation des jeunes dans la consolidation de la paix, tandis qu’un plan d’action pour la prévention de l’extrémisme violent est en cours d’élaboration.
La liste des raisons pouvant expliquer la radicalisation des jeunes est très longue, a prévenu le Directeur du Centre international d’études de la radicalisation, M. Peter Neumann. Sur les 40 000 jeunes européens qui ont rejoint Daech en Syrie, a-t-il précisé, les motivations vont du souhait de contribuer à l’assistance humanitaire à celui de se lancer dans une aventure.
Pour la plupart d’entre eux, le désir d’aider prime sur celui de faire du mal, a constaté un anthropologue du Centre national de recherche de Paris. M. Scott Atran a signalé que près de 3 recrues sur 4 d’Al-Qaida ou de Daech avaient été attirées par des amis, des membres de leur famille ou encore des compagnons de route à la recherche d’un sens à leur vie.
Pour les jeunes vivant dans la pauvreté, qui représentent 500 millions de la population mondiale, c’est en général leur marginalisation économique et sociale qui les pousse à l’extrémisme violent. Les groupes extrémistes mettent à profit la frustration des jeunes qui n’arrivent pas à concrétiser leurs légitimes ambitions, a expliqué le Prince héritier Al Hussein Bin Abdallah II.
Leur désespoir se traduit aussi par un désir de migration, qui peut conduire à des catastrophes humaines comme on l’a vu récemment en mer Méditerranée. À ce propos, le Ministre de la justice et des migrations de la Suède, s’exprimant au nom des pays nordiques, a rappelé que les 28 chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne se réunissaient aujourd’hui même pour discuter des défis de la migration.
Pour remédier à cette situation, a souligné M. Atran, il est important d’entreprendre des efforts en matière de développement, d’immigration et d’intégration, afin de mieux canaliser l’énergie et l’idéalisme des jeunes.
La jeunesse devrait être « le meilleur rempart contre l’obscurantisme », a estimé le Ministre français de la ville, de la jeunesse et des sports, après avoir rappelé l’attentat évité de justesse en France contre des églises. La France, a assuré M. Patrick Kanner, a décidé d’engager « une mobilisation nationale pour les valeurs républicaines », ainsi qu’un plan de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, qui vise en particulier la jeunesse.
Soulignant le rôle crucial de l’éducation, le Secrétaire général s’est rallié à l’appel lancé récemment par le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, M. Zeid Al Hussein, qui recommande de déployer des « armes d’éducation de masse » pour sortir les jeunes de la pauvreté. À cela doivent s’ajouter des programmes d’insertion professionnelle et sociale et d’entreprenariat.
En outre, comme l’a fait remarquer M. Neumann et plusieurs délégations, les parents et les communautés sont en première ligne dans cette lutte. Beaucoup ont également apprécié l’implication des chefs religieux dans ces efforts, en leur rappelant qu’ils devaient diffuser un discours modéré et condamner les messages de haine au nom de la religion.
Tout au long de la journée, les orateurs ont recommandé d’utiliser les atouts propres à la jeunesse dans ce combat, comme leur attrait pour le sport et la créativité, en constatant en particulier l’aptitude des jeunes à naviguer sur Internet et sur les plateformes des médias sociaux.
Le revers de la médaille, c’est que les jeunes relaient facilement les théories du complot sur les réseaux sociaux. C’est pourquoi certaines délégations, comme le Tchad et la Fédération de Russie, ont recommandé de limiter l’utilisation des médias par les groupes terroristes.
Beaucoup ont en outre exprimé leur soutien à la proposition de la Jordanie d’accueillir en août prochain, en partenariat avec les Nations Unies, la première conférence internationale sur le rôle des jeunes dans l’instauration d’une paix durable.